Le Ministre des Affairés Étrangeres, M. Erkki Tuomioja à l´Institut Francais des Relations Internationalés, à Paris le 15 novembre: l´Europe vue du nord


Mesdames et Messieurs,

Dans mon exposé, je vais d´abord examiner les fondements sur lesquels repose la participation de la Finlande et des autres Etats nordiques à la construction européenne, par la suite j´aborderai des questions actuelles relatives à l´élargissement et à la Conférence intergouvernementale et pour terminer, je traiterai des principes sur lesquels je voudrais voir fonder la future évolution de l´Union européenne.

Lorsque nous parlons d’Europe du Nord, c´est-à-dire des pays nordiques, il ne s´agit pas là, en premier lieu, d´une définition géographique, mais plutôt d´un modèle politique mettant l´accent sur une solide prospérité sociale. Donc, il s´agit là d´un modèle dit nordique.

Ce modèle est fondé sur les vieux principes de liberté paysanne, de terroir, de solidarité et d´égalité de nos pays, éventuellement déjà imposés par le climat, et sur un développement pragmatique d´un Etat-providence dans lequel une économie activement dirigée par les pouvoirs publics et une sécurité sociale étendue, composée de transferts de revenus et de services couvrant toute la population, sont d´importantes caractéristiques.

L´offensive idéologique du néolibéralisme, déclenchée dans les années 70, a aussi été particulièrement forte contre les Etats-providence nordiques. Leurs réalisations ont été reconnues, certes, mais il a été prétendu que ces Etats étaient de toute façon arrivés au bout de leur chemin et étaient obligés d´accepter un taux fiscal plus bas et une sécurité sociale plus faible ainsi qu´une plus grande liberté du marché et une plus grande inégalité sociale.

C´est ce point que les citoyens des Etats nordiques n’acceptent pas. Nous comprenons cependant qu´il sera nécessaire de nous adapter avec souplesse aux changements des conditions d´action globales ainsi qu´aux changements des technologies et des rapports de production influant sur l´évolution des sociétés. C´est ce que nous avons fait avec beaucoup de succès sans avoir dû renoncer aux fondements et aux objectifs de notre modèle d´Etat-providence.

Aujourd´hui, nous pouvons déjà dire que nous avons fort bien surmonté la crise économique des années 90 et les offensives du néolibéralisme et, ce qui importe le plus, nous avons fait preuve de nos aptitudes à conserver et à améliorer notre compétitivité sur un marché international en voie de globalisation et à être, en outre, à la pointe du progrès en ce qui concerne le développement et l´utilisation de la technologie de l´information. La Finlande a même été qualifiée récemment de pays le plus compétitif du monde.

L’essentiel est que les réalisations de la Finlande, de la Suède et des autres pays nordiques n´ont pas été obtenues malgré un modèle social solide, mais au contraire en s´appuyant sur lui. Un Etat-providence solide ne fait pas obstacle à notre réussite, mais en est la condition. A titre d´exemple, les réalisations de notre technologie de pointe reposent notamment sur un système d´éducation de base qui fonctionne bien et qui, englobant toutes les réserves de talents du pays, empêche ainsi l´exclusion sociale.

Il est paradoxal que l´ouverture des pays nordiques au monde extérieur ait probablement revêtu un caractère plutôt global qu´européen. Lorsque l´intégration européenne a fait ses premiers pas dans les années 50 et 60, le Conseil nordique s´est penché beaucoup plus sur les questions globales que sur ce qui se passait en Europe. Vue du Nord, l´intégration européenne n´a pas été jugée suffisamment ouverte, mais a été considérée comme un projet fermé au reste du monde, voire protectionniste.

Mais il n´en reste pas moins que les pays nordiques ont fait preuve d´esprit de chapelle et de présomption exagérée que représentent, éventuellement, aux yeux des étrangers, par exemple, les propos sur les fondements de l´Etat-providence nordique que j´ai tenus au début de mon exposé.

Il a été possible d´argumenter - nombre de gens le font toujours - que les autres Etats membres de l´Union européenne n´ont pas, en général, de modèle social aussi complet et égalitaire que les Etats nordiques et que le marché intérieur et le projet d´Union économique et monétaire ont été amorcés au moment où l´influence du néolibéralisme battait son plein. C´est la raison pour laquelle l´Union et ses objectifs pour l´approfondissement de l´intégration peuvent être considérés comme une menace pour le modèle d´Etat-providence nordique.

Je vois, au contraire, cette question de telle sorte que l´Union puisse, au mieux, être un instrument important et puissant pour chercher à répondre aux défis qu´impose la globalisation et qui constituent une véritable menace pour nos modèles d´Etat-providence. La coopération supranationale pourrait nous permettre de retourner au processus de décision démocratique en vue de trouver les moyens pour l´orientation du marché qui ont été nécessaires au développement d´un Etat-providence et qui, ayant échappé au contrôle des Etats-nations, ont été soumis aux forces anonymes du marché. Je crois que c´est ainsi que la majorité de mes compatriotes ont également vu cette question au moment où ils ont voté pour l´adhésion de la Finlande à l´Union européenne.

Etant donné les fondements de votre société et l´histoire de votre pays, cette manière de penser, autant que je sache, n´est pas tout à fait étrangère en France non plus, mais, au contraire, constitue une bonne base à la formulation d´une politique de globalisation européenne commune.

Les doutes sur les effets négatifs de l´intégration européenne sont pourtant réels et ne doivent pas être sous-estimés. Ils sont importants et dignes d´être notés aussi bien quant à leur substance qu´à la légitimité démocratique de l´Union.

Ce sont le pragmatisme et l´évolution qui déterminent l´approche nordique de l´adhésion à l´Union et de l´intégration européenne. Le pragmatisme signifie que l´Union doit être en mesure d´agir et de répondre aux défis que lui impose chaque moment particulier en recherchant des solutions viables. Il importe particulièrement que nous fassions reposer ces solutions sur les circonstances du moment et les besoins concrets.

La réussite de l´Union est fondée notamment sur le pragmatisme qui a permis de trouver les solutions à peu près viables lorsque cela a été nécessaire. La procédure ayant conduit à ces solutions, après de nombreux compromis et de longues négociations nocturnes, ne mérite pas toujours les meilleures notes. Il en va de même pour la lisibilité et la compréhension des textes adoptés, ce qui a soulevé une demande justifiée de simplifier et de clarifier nos traités de base.

Le plus important est pourtant que les solutions soient viables. Je veux récapituler ici les points principaux qui déterminent, à mon avis, l´existence et le développement de l´Union.

Une des questions-clés est le bon équilibre. S´agissant de l´Union européenne, cela signifie qu´il faudra maintenir l´équilibre fragile aussi dans la recherche des solutions futures concernant les rapports entre les institutions, entre l´intergouvernementalité et la communauté, ainsi qu´entre les petits pays et les grands pays. L´équilibre est relativement bien établi dans une Union de quinze Etats membres, mais il ne le sera plus dans une Union élargie. Nous devons faire reposer les réformes nécessaires sur le principe que les structures qui fonctionnent bien ne doivent pas être touchées plus que ne l´exige l´élargissement de l´Union à une communauté de plus de vingt Etats.

Je dis ceci parce qu´il nous faudra largement plus de dix ans avant que nous n´arrivions à une Union de plus de 25 Etats. De ce fait, il est encore possible et nécessaire de revenir sur les décisions qui seront prises à Nice.

L´ordre du jour de Nice: la composition et le fonctionnement de la Commission, la pondération des voix au sein du Conseil, la coopération renforcée et l´extension du vote à la majorité qualifiée sont justement des questions qui doivent nécessairement être réglées pour permettre à l´Union d´accueillir de nouveaux membres et de maintenir sa capacité d´action.

Outre la modification des traités de base, il y a, en fin de compte, peu de questions qui doivent être adoptées à l´unanimité. Les craintes que la Conférence intergouvernementale a fait surgir au sujet de l´extension du vote à la majorité qualifiée à tel ou tel article sont, le plus souvent, dénuées de fondement, surtout si nous n´oublions pas qu´il ne s´agit pas là de l´élargissement des compétences de l´Union, mais de la question de savoir quel processus décisionnel est appliqué dans le cadre des compétences existantes.

Au cours de la Conférence intergouvernementale, la Commission et la pondération des voix ont suscité les débats les plus animés. Dans ces questions, certains grands Etats membres s´opposent à la majorité des Etats membres. Mais il n´en reste pas moins qu´il y a aussi une bonne part de théâtre là-dedans. Je n´ai pas encore perdu confiance dans le fait que l´on parviendra finalement à Nice à un accord sur une solution équilibrée qui permettra à tous les Etats membres de garder le droit de nommer leur candidat à la Commission et qui, s´agissant de la pondération des voix, remplira la condition que les décisions seront toujours prises à la majorité des Etats membres qui représentent plus de moitié de la population de l´Union.

Si nous ne pouvons pas nous mettre d´accord sur cette question, il faut se demander si c´est vraiment le souci pour le fonctionnement de l´Union qui y fait obstacle ou si ce n´est qu´un prétexte à la peur de l´élargissement. Si nous sommes sincères, nous devons avouer que le soutien à l´élargissement est plus faible dans l´Union qu´un consensus formel ne le révèle. Les citoyens s´opposant à l´élargissement disent sans ambages dans les sondages d´opinion ce que de nombreux hommes politiques en pensent réellement, même s´ils ne présentent pas les mêmes arguments.

Nouveau membre de l´Union, les Finlandais n´ont aucune raison de fermer la porte derrière eux et nous n´avons pas non plus les forts préjugés envers l´Europe qui nous feraient adopter une attitude timorée à l´égard des nouveaux venus.

Lorsque notre demande d´adhésion a été examinée par l´Union, j´ai dû répondre plus d´une fois à la question, posée par les membres du Parlement européen ou par ceux des parlements des vieux Etats membres de l´Union, de savoir si les Finlandais étaient prêts à adopter non seulement l´acquis mais aussi la finalité. Je leur ai répondu que nous connaissions l´acquis et que même si nous pensions que toutes ses 30 000 pages ne représentent pas la meilleure solution pour nous, nous étions prêts à l´adopter et à le mettre en oeuvre. Je suis disposé à formuler ma position à l´égard de la finalité dès que quelqu´un m´aura apporté noir sur blanc une information précise sur l´enceinte et sur le moment où cette question a été examinée et sur l´instance qui l’a adoptée.

Cela ne veut pas dire que je considère l´intégration européenne comme chose faite et que je ne croirais ni ne désirerais pas que le développement se poursuive. Mais il n´y a pas de programme établi pour continuer ce développement.

Si intéressant et si important que ce soit pour nous de procéder à un échange de vues sur la question: - quelle Europe et quelle Union souhaitons-nous voir d´ici à 20 à 40 ans?, - il est nécessaire d´accepter le fait que nous n´avons pas, à présent, la possibilité ni le droit de prendre les décisions qui engageront les futurs décisionnaires.

Il y a quelque chose de très répugnant et de profondément antidémocratique dans l´idée selon laquelle nous devons éterniser, dès maintenant, nos visions sur l´Europe future et y lier les futurs décisionnaires avant que nous recevions de nouveaux membres dont "l´européisme" ne nous paraît pas convaincant. La manière de penser - nous savons mieux que les autres où l´histoire doit aboutir - est par son élitisme apparentée au marxisme-léninisme dont nous venons de constater la défaite. L´idée d´une telle avant-garde n´est plus de mise.

Les Etats candidats le ressentent vivement. Mon collègue estonien Tomas Hendrik Ilves appelle cela une attitude "réformons l´Union à notre guise avant que les barbares arrivent", donc une attitude qui nous fait réformer les structures d´une Union en voie d´élargissement sans la participation de ceux dont l´adhésion nous amène à faire ces réformes.

Il est question de la légitimité démocratique de l´intégration européenne. Après la guerre, il a dû être nécessaire que des hommes d´Etat prévoyants conviennent de l´intégration sans que les citoyens aient toujours clairement approuvé et compris la grande portée des décisions qui ont été prises à cette époque-là. Aujourd´hui, le recours à une telle procédure n´est plus admissible et pourra, au pire, conduire à une véritable crise de tout le projet européen.

Je me suis rendu compte que l´euroélite de nombreux pays adopte une attitude négative, mêlée de crainte, à l´égard des référendums prévus déjà par les constitutions. Les référendums ne doivent pas pour autant être considérés comme une menace, mais plutôt comme une possibilité. Les démocrates convaincus que nous sommes doivent avouer que c´est toujours le peuple qui gagne dans les référendums.

La réponse pragmatique pour assurer le dynamisme d´une Union élargie, c´est la coopération renforcée. Elle a déjà été inclue dans le traité d´Amsterdam et sa mise en oeuvre pourra également être davantage facilitée dans le traité de Nice à condition qu’elle renforce la cohésion et l´intégration de l´Union et ne les affaiblisse pas. Cela sera possible si la coopération renforcée devient un instrument pour un noyau ou une avant-garde d´Etats membres montrant la voie à toute l´Union européenne.

Si l´allègement des règles de flexibilité du premier et du troisième pilier ne pose pas de grands problèmes, ce n´est pas le cas pour leur extension au deuxième pilier. Les exemples donnés jusqu´à présent de l´application de la coopération renforcée à la politique étrangère et de sécurité commune concernent, avant tout, la mise en oeuvre de la politique commune. Comme nous avons déjà l´abstention constructive, le vote à la majorité qualifiée dans la politique commune et la possibilité d´engager un groupe d´Etats membres dans l´exécution, une clause d´habilitation spécifique n´apporterait pas à ce pilier de plus-value, mais, au contraire, pourrait affaiblir l´unité de l´action extérieure de l´Union.

La question qui reste est la défense. Si nous voulons aller plus loin dans ce domaine dans le cadre de l´Union, le modèle de coopération renforcée pourrait se montrer utilisable. Toutefois, il ne s´agirait pas là de l’obligation de défense réciproque prévue à l´article 5. Aussi longtemps que l´OTAN existe, - et la Finlande non-alliée n´a aucune raison de le remettre en question - les obligations d´alliance militaires se chevauchant en partie n´ont ni leur place ni leur utilité en Europe.

Des propos tenus sur une défense commune ne sont pas toujours clairs. On peut se demander par exemple si cela signifie que la défense commune inclurait aussi l´arme nucléaire de la France et de la Grande-Bretagne.

Dans la pratique, la coopération renforcée en matière de défense peut, à l´heure actuelle, englober notamment deux objectifs: le rattachement de l´Eurocorps aux structures communautaires et la coopération dans le domaine des industries de défense.

L´Eurocorps présente, à mon avis, un exemple de coopération qui n´apporterait aucune plus-value à l´Union. Par contre, la coopération dans le domaine des industries de défense pourrait être incluse dans les structures communautaires de telle sorte que tous ceux qui désirent y participer puissent le faire.

J´ai l´impression qu´une défense commune est une question d´ambition pour ceux qui voudraient voir l´Union européenne devenir une superpuissance. Citoyen d´un petit Etat, il m´est difficile de voir quelque chose de positif dans cet objectif.

Si l´on considère à l´heure actuelle à juste titre que la trop forte domination d´une seule superpuissance pose des problèmes, il ne s´agit pas de résoudre ceux-ci en créant une nouvelle superpuissance à son côté, mais il faudra plutôt établir un ordre international dans lequel le comportement traditionnel d´une superpuissance n´a plus ni sa place ni son utilité.

Nous avons besoin d´une Europe forte, certes, mais elle ne doit pas être une communauté destinée, même indirectement, à la soumission des autres ni une communauté qui imagine que sa puissance puisse reposer sur les armes, le protectionnisme ou sur d´autres retranchements.

La puissance de l´Europe est fondée sur une bonne économie, la compétitivité, le savoir-faire et sur une politique sociale solide. Une Europe forte devra apporter sa contribution à la gestion militaire et civile des crises relevant de la communauté internationale et en assumer aussi les responsabilités. Ce projet, qui est en prépartion, sera entériné à Nice.

Voilà le bagage qui permet à l´Union de régler le Conseil européen de Nice et de convenir même des mesures d´accompagnement à prendre après le Sommet - mais non d´une nouvelle Conférence intergouvernementale. Nous pouvons nous mettre d´accord notamment sur l´évaluation du statut de la Charte des droits fondamentaux et sur le travail en vue de simplifier et de clarifier les traités de base, mais nous ne pouvons évidemment pas décider de l´aboutissement final dans ce domaine.

Allons-nous voir un jour un Etat fédéral européen? Un tel avenir serait-il possible et souhaitable?

Cela n´est pas impossible, mais ne deviendra possible qu´au moment où les citoyens y seront prêts. Dans la plupart des Etats européens, les citoyens n´y sont pas prêts et nous ne savons pas s´ils le seront même à l´avenir. Nous n´avons pas le droit d´agir de bonne foi et d´espérer que ce sera le cas un jour.

C´est la raison pour laquelle les autres Etats membres ne devront pas compter sur le fait que la Finlande et les Finlandais seront toujours disposés à approuver tous les objectifs concernant l´approfondissement de l´intégration ou à participer à tous les arrangements pris au titre de la coopération renforcée.

Les tentatives artificielles pour construire une identité européenne par des campagnes publicitaires, des listes électorales européennes et des symboles spectaculaires, mais fonctionnellement creux, peuvent faire plus de mal que de bien. Si j´ai bien compris, le général de Gaulle a ironisé sur ce genre d´affairement lorsqu´il a parlé de l´identité "volapuk".

Soyons sincères: une faute a été commise lorsque le suffrage direct a été introduit aux élections européennes avant que les citoyens aient éprouvé un véritable intérêt pour une telle réforme. Nous avons besoin du Parlement européen, mais ce n´est que flatter la vanité des membres du Parlement européen que de prétendre que la légitimité démocratique de l´Union reposerait sur une institution à laquelle les citoyens ne témoignent pas un attachement particulier ou à laquelle ils ne peuvent pas s´identifier.

La légitimité de l´Union repose et reposera, dans un avenir prévisible, dans la plupart des Etats membres, sur leurs parlements nationaux. Voilà pourquoi l´Union, pour réduire son déficit démocratique, devrait, dans tous les Etats membres, renforcer la participation des parlements nationaux à l´examen des questions européennes. Le processus décisionnel du Conseil qui est souvent jugé fermé, lointain et antidémocratique ne l´est pas du point de vue finlandais puisque notre parlement a les moyens efficaces de s´assurer à l´avance de ce que le gouvernement finlandais ne présente pas des positions non conformes à celles adoptées par le parlement.

De ce fait, je trouve très artificielles les idées qui proposent d´institutionnaliser la coopération européenne des parlements nationaux en faisant d´eux des deuxièmes chambres.

L´Union est une communauté d´Etats souverains et de citoyens. C´est pourquoi il est nécessaire de réunir la majorité des Etats membres et celle de leurs populations derrière les décisions contraignantes et obligatoires. Nous avons donc besoin des deux majorités pour assurer la légitimité de l´Union. Ce principe peut aussi être appliqué dans un Etat fédéral comme nous le montrent les exemples de la Suisse et du sénat américain.

Voilà une question importante, mais pourtant pas essentielle dans le débat: l´Union européenne sera-t-elle, un jour, un Etat fédéral ou non? L’essentiel est de savoir qui a la compétence de décider du partage des compétences entre l´Union et les Etats membres? Le fait que les Etats membres doivent, en dernier ressort, avoir cette compétence n´est pas en contradiction avec le principe que le processus décisionnel à la majorité supranationale est de plus en plus appliqué aux questions relevant de la compétence communautaire.

Est-il possible de clarifier ces questions par une constitution de l´Union? Le concept peut être compris de différentes manières. Ladite constitution pourrait ressembler plutôt à la Charte des Nations Unies qu´aux constitutions des Etats membres. La Charte de l´ONU peut, elle ausi, être considérée comme une constitution qui, par sa clarté, est nettement supérieure aux traités incompréhensibles de l´Union

C´est en raison de cette obscurité que l´on peut comprendre la volonté de choisir dans les traités de base certains points essentiels pour les réunir dans une constitution ou dans une charte dans laquelle seraient définis les tâches et les structures des institutions majeures et le partage des compétences entre les Etats membres et l´Union. Cette question pourra certainement être examinée en vue de chercher à clarifier la situation existante. Mais il faut se garder de croire qu´un tel document pourrait résoudre, d´une manière permanente et explicite, le partage des compétences.

Mesdames et Messieurs,

J´ai commencé mon exposé par souligner que le nordisme est un concept politique. Initiateurs de la Dimension septentrionale de l´Union, nous n´ignorons naturellement pas la géographie. Toutefois, la Dimension septentrionale est aussi un concept politique représentant une politique de coopération et de bon voisinage destinée à renforcer la stabilité et le développement de la même manière que le programme euro-méditerranéen.

Les défis sont considérables dans les deux directions. J´ai pourtant une confiance prudente dans le développement de la Russie et je considère que la politique russe de la Finlande - concentrée, en grande partie, sur la coopération avec les régions voisines - de même que les relations des autres Etats membres de l´Union complètent la stratégie commune de l´Union envers la Russie.

La Russie pourra-t-elle, un jour, être membre de l´Union européenne? Si la question nous paraît artificielle, nous ne devons pas oublier que la candidature actuelle de la Turquie nous a paru aussi bizarre à l´époque.

Je juge fort invraisemblable l´adhésion de la Russie à l´Union européenne, mais pas impossible. La Russie est un pays européen qui, s´il le désire sérieusement et qu’il remplisse les critères d´adhésion à l´instar des autres candidats, pourrait devenir membre de l´Union. Dans ce cas-là, il ne s´agirait probablement pas d´une Union que nous connaissons aujourd´hui ni d´une Union dont l´avenir est, le plus fréquemment, esquissé à l´heure actuelle.


















































































































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